La mousson, un mécanisme vite
déréglé
Le
mécanisme de la mousson, qui fait intervenir de nombreux phénomènes climatiques
et atmosphériques, est très complexe. Il connaît donc facilement des irrégularités :
tempêtes, cyclones, fortes inondations, fortes incertitudes sur les dates
d'arrivée de la mousson, de son retrait, sur l'abondance des pluies et
l'ampleur de leurs interruptions. Aussi, d'une année sur l'autre, la quantité
des précipitations est très variable.
Carte de la mousson en Inde, par By Ayack, à partir de la carte de Saravask. via Wikimedia Commons |
La sécheresse de 2012
L'été
dernier (en 2012), les pluies de mousson en Inde ont été très faibles. Selon la
FAO (Organisation de l'ONU pour
l'Agriculture et l'Alimentation), elles étaient, à la mi-juillet, inférieures
de 22% à la moyenne ; dans certaines régions, comme l'Haryana, près de
Delhi, elles furent inférieures de 65 % à la moyenne (Le Monde du 6 août
2012). Paradoxalement, le Nord-Est, a, lui, souffert d'inondations qui ont
chassées de chez elles des milliers de personnes.
Les
faibles précipitations ont eu des conséquences que l'on peut qualifier de
catastrophiques : baisse de la production agricole pour des denrées de
base comme les céréales ou la canne à sucre ; flambée des prix des mêmes
denrées durant le mois d'août.
On
a craint un temps que, du fait d'un recours indien massif aux importations, la
crise alimentaire se propage à l'échelle mondiale, comme en 2009 : l'Inde
est en effet le deuxième producteur mondial de riz et de sucre (Le Monde
du 06 août 2012). De fait, ces craintes ont provoqué une flambée des cours
mondiaux de ces denrées durant l'été. Cependant, cette crise a été évitée,
selon la FAO par l'augmentation de la production d'autres Etats et
l'amélioration de la coordination mondiale.
Siruggupa : une région habituellement aride
A
Siruguppa cependant, la sécheresse s'est fait durement sentir. Le village est
situé dans une région aride, qui reçoit peu d'eau même en période de
mousson : la moyenne des précipitations est de 639 mm d'eau par an.
Sur ces 639 mm, 400 à 800 mm sont recueillis en moyenne pendant la mousson.
A
titre de comparaison, en France, la moyenne des précipitations est de 867 mm
d'eau par an (moins de 600 mm dans le delta du Rhône !). Mais
l'évaporation à Siruguppa, due aux températures élevées, est bien plus
importante, et les réserves d'eau de surface et souterraines sont beaucoup plus
faibles : le sous-sol cristallin ne permet pas la présence d'importantes
nappes phréatiques.
De
plus, les montagnes à l'Ouest, les Ghâts occidentaux, arrêtent les nuages
chargés de pluie avant qu'ils n'arrivent dans la région de Siruguppa, ce qui
explique que dans le même Etat du Karnataka, la région côtière reçoive plus de
3 630 mm d'eau par an, et le Sud 1064 mm.
La sécheresse de cet été à Siruguppa
C'est
pourquoi l'insuffisance de la mousson 2012 a été à Siruguppa plus forte
qu'ailleurs : de juin à août 2012, les moyennes des précipitations ont été
inférieures de 47 % à la moyenne des années précédentes. A la mi-année, en
août, il avait plu depuis le mois de janvier 260 mm, contre 520 mm
d'habitude.
(http://www.uasraichur.edu.in).
Les
semailles du mois de juin, ont donc dû être retardées et les surfaces
ensemencées réduites, en particulier celles qui devaient être irriguées. (The
Hindu, édition du Karnataka, Bellary, 28 Juin 2012). Les récoltes
d'octobre-novembre ont donc été moins importantes, et synonyme de difficultés financières pour
beaucoup, dans une région où 75 % de la population vit encore de l'agriculture.
Au
mois de juillet, Prema nous écrivait qu'il ne pleuvait pas et que les rivières
étaient à sec ; l'eau courante n'arrivait plus partout et certains ont été
contraint de boire une eau plus tout à fait potable, pouvant générer des
maladies.
Les
conséquences pour l'orphelinat
A
l'orphelinat, pour faire boire tout le monde, le staff a été obligé d'acheter
des bidons d'eau minérale. L'eau courante qui n'arrivait plus qu'épisodiquement
(un jour sur cinq) n'était pas suffisante pour faire la cuisine, se laver et
boire. L'école, par obligation légale, a dû faire la même chose, augmentant
quelque peu les coûts de scolarité, mais permettant aux fillettes de boire à
l'école sans avoir à emporter de bouteilles d'eau (ce qu'elles faisaient
autrement, pour éviter l'eau « potable » du robinet de l'école), et
permettant d'économiser autant d'eau pour se laver, cuisiner et boire à
l'orphelinat.
Les
prix des céréales ayant fortement augmenté, et ce jusqu'à l'automne, Prema, la
directrice de l'orphelinat, n'avait plus assez d'argent pour acheter à côté des
œufs ou des fruits, dont les fillettes ont donc été
privées un moment. Les prix des œufs ont tellement augmenté
également que la personne qui vendait des œufs à l'orphelinat à prix coûtant,
sans faire de bénéfices, a dû fermer son commerce : plus personne n'avait encore les moyens de
lui acheter des œufs à ces prix.
La
mousson : une fatalité ?
Les
difficultés que provoquent les irrégularités de la mousson sont récurrentes en
Inde, mais ne sont pas une fatalité : il reste encore beaucoup à faire pour
améliorer les mesures préventives ou pour adapter les aménagements, mais aussi pour tirer les conséquences d'une
irrigation excessive, qui assèche les nappes phréatiques et les réserves de
surface, ou du choix de cultures gourmandes en eau (comme le riz). Cependant,
à l'échelle de l'orphelinat, consommateur et non acteur de cette production
hydraulique et agricole, la situation ne peut qu'être subie et occasionne donc
des frais très inhabituels.