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dimanche 16 mars 2014

Le Bharata Natyam et la danse à l'orphelinat

Un spectacle de danse à l'orphelinat (comédie musicale)
Comme nous l’avons déjà évoqué quelques fois, certaines des filles de l’orphelinat sont originaires de la communauté des Devadasi, originellement une caste de danseuses de temples. C’est au sein de cette communauté de danseuses que se trouvent les origines du Bharata Natyam. Cette danse (parfois épelée Bharatanatyam) est une danse classique originaire de l’Inde du sud, et plus particulièrement du Tamil Nadu, un État côtier du sud-est. Il existe différentes explications quant à la signification du nom qui est assez récent. Le Bharata Natyam tel qu’il est pratiqué aujourd’hui en Inde constitue en réalité une « réinvention » du Sadhir, la danse dévotionnelle initialement pratiquée par les Devadasi dans les temples. L’histoire de cette danse est fortement liée à l’histoire coloniale indienne.
En effet, c’est entre la fin du 19ème siècle et le début du 20ème siècle que cette danse a été radicalement transformée, notamment en ce qui concerne celles qui la pratiquaient, les lieux de performance et sa signification dans les espaces culturels, sociaux et religieux indiens. En effet, cette danse était initialement associée aux Devadasi (et aux hommes de la même caste). Même si elles étaient souvent des femmes cultivées, socialement influentes, ce n’étaient toutefois pas des femmes de hautes castes, et un stigmate était donc attaché à la pratique de la danse. Par ailleurs, à partir du 19ème siècle, sous l’influence des Britanniques et du puritanisme victorien, le système des Devadasi a été assimilé à un système de prostitution, et réduit à ce dernier. Le sadhir aurait alors pu disparaître, mais au lieu de cela, il y a eu plutôt une « réinvention » de cette danse.
Rukmini Devi, une figure majeure de la "réinvention du Bharata natyam", photo de 1940 (source: wikipedia)
En effet, la danse, autrefois pratiquée et enseignée par des femmes et hommes de basses castes a attiré l’attention d’hommes et de femmes de hautes castes, et en particulier des brahmanes, comme E. Krishna Iyer (un homme) et Rukmini Devi (une femme) Si cela a entraîné des transformations esthétiques (notamment pour retirer à la danse les dimensions alors qualifiées d’érotiques), les changements se situent surtout au niveau de l’environnement social associé à cette danse. Son enseignement se fait désormais dans des institutions formelles, les performances ont lieu dans des auditoriums, des théâtres, et les danseuses sont des femmes de hautes castes, tandis que l’enseignement est largement contrôlé par les hommes. Il faut comprendre que ce mouvement a lieu parallèlement au mouvement nationaliste indien qui a besoin de mettre en avant une « haute culture indienne », qui paradoxalement suit les standards culturels érigés par les Britanniques. Le Bharata Natyam est alors intégré dans ce mouvement et devient une danse classique de l’Inde, valorisée comme telle, mais dans le même temps, les Devadasi ont finalement été dépossédées de cette danse. 
Spectacle de danse à l'occasion du mariage de la fille de Prema
Ceci a des conséquences importantes pour les fillettes qui sans toutes venir d’une famille de Devadasi souffrent du stigmate associée à cette caste. La danse fait partie intégrante du projet de Prema. Elle apporte aux filles des qualités et valeurs majeures (culture, discipline et rigueur), du plaisir ainsi qu’une certaine reconnaissance sociale. Prema pratique d’ailleurs elle-même une danse classique indienne, le Kuchipudi un style également typique du sud de l’Inde (Andhra Pradesh et Karnataka notamment) et donc nous vous parlerons sans doute prochainement. C’est ce style classique que les filles apprennent, avec d’autres styles de danse (pas forcément indiens) enseignés par des volontaires. Aujourd’hui, leurs spectacles de danse ont très appréciés du voisinage, et participent à la bonne image de l’orphelinat.
Un cours de danse à l'orphelinat