Un spectacle de danse à l'orphelinat (comédie musicale) |
Comme nous l’avons déjà évoqué
quelques fois, certaines des filles de l’orphelinat sont originaires de la
communauté des Devadasi,
originellement une caste de danseuses de temples. C’est au sein de cette
communauté de danseuses que se trouvent les origines du Bharata Natyam. Cette
danse (parfois épelée Bharatanatyam) est une danse classique
originaire de l’Inde du sud, et plus particulièrement du Tamil Nadu, un État
côtier du sud-est. Il existe différentes explications quant à la signification
du nom qui est assez récent. Le Bharata Natyam tel qu’il est pratiqué
aujourd’hui en Inde constitue en réalité une « réinvention » du Sadhir, la danse dévotionnelle
initialement pratiquée par les Devadasi
dans les temples. L’histoire de cette danse est fortement liée à l’histoire
coloniale indienne.
En effet, c’est entre la fin du 19ème siècle et
le début du 20ème siècle que cette danse a été radicalement
transformée, notamment en ce qui concerne celles qui la pratiquaient, les lieux
de performance et sa signification dans les espaces culturels, sociaux et
religieux indiens. En effet, cette danse était initialement associée aux
Devadasi (et aux hommes de la même caste). Même si elles étaient souvent des
femmes cultivées, socialement influentes, ce n’étaient toutefois pas des femmes
de hautes castes, et un stigmate était donc attaché à la pratique de la danse.
Par ailleurs, à partir du 19ème siècle, sous l’influence des
Britanniques et du puritanisme victorien, le système des Devadasi a été
assimilé à un système de prostitution, et réduit à ce dernier. Le sadhir aurait alors pu disparaître, mais
au lieu de cela, il y a eu plutôt une « réinvention » de cette danse.
Rukmini Devi, une figure majeure de la "réinvention du Bharata natyam", photo de 1940 (source: wikipedia) |
En effet, la danse, autrefois pratiquée et enseignée par des
femmes et hommes de basses castes a attiré l’attention d’hommes et de femmes de
hautes castes, et en particulier des brahmanes, comme E. Krishna Iyer (un
homme) et Rukmini Devi (une femme) Si cela a entraîné des transformations
esthétiques (notamment pour retirer à la danse les dimensions alors qualifiées
d’érotiques), les changements se situent surtout au niveau de l’environnement
social associé à cette danse. Son enseignement se fait désormais dans des
institutions formelles, les performances ont lieu dans des auditoriums, des
théâtres, et les danseuses sont des femmes de hautes castes, tandis que
l’enseignement est largement contrôlé par les hommes. Il faut comprendre que ce
mouvement a lieu parallèlement au mouvement nationaliste indien qui a besoin de
mettre en avant une « haute culture indienne », qui paradoxalement
suit les standards culturels érigés par les Britanniques. Le Bharata Natyam est
alors intégré dans ce mouvement et devient une danse classique de l’Inde,
valorisée comme telle, mais dans le même temps, les Devadasi ont finalement été dépossédées de cette danse.
Spectacle de danse à l'occasion du mariage de la fille de Prema |
Ceci a des conséquences importantes pour les fillettes qui
sans toutes venir d’une famille de Devadasi
souffrent du stigmate associée à cette caste. La danse fait partie
intégrante du projet de Prema. Elle apporte aux filles des qualités et valeurs majeures
(culture, discipline et rigueur), du plaisir ainsi qu’une certaine reconnaissance
sociale. Prema pratique d’ailleurs elle-même une danse classique indienne, le Kuchipudi
un style également typique du sud de l’Inde (Andhra Pradesh et Karnataka
notamment) et donc nous vous parlerons sans doute prochainement. C’est ce style
classique que les filles apprennent, avec d’autres styles de danse (pas
forcément indiens) enseignés par des volontaires. Aujourd’hui, leurs spectacles
de danse ont très appréciés du voisinage, et participent à la bonne image de l’orphelinat.
Un cours de danse à l'orphelinat |
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