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lundi 10 juin 2013

Bulletin météo de Siruguppa (2) - La sécheresse de l'été 2012



La mousson, un mécanisme vite déréglé
Le mécanisme de la mousson, qui fait intervenir de nombreux phénomènes climatiques et atmosphériques, est très complexe. Il connaît donc facilement des irrégularités : tempêtes, cyclones, fortes inondations, fortes incertitudes sur les dates d'arrivée de la mousson, de son retrait, sur l'abondance des pluies et l'ampleur de leurs interruptions. Aussi, d'une année sur l'autre, la quantité des précipitations est très variable. 
Carte de la mousson en Inde, par By Ayack, à partir de la carte de Saravask. via Wikimedia Commons


La sécheresse de 2012
L'été dernier (en 2012), les pluies de mousson en Inde ont été très faibles. Selon la FAO  (Organisation de l'ONU pour l'Agriculture et l'Alimentation), elles étaient, à la mi-juillet, inférieures de 22% à la moyenne ; dans certaines régions, comme l'Haryana, près de Delhi, elles furent inférieures de 65 % à la moyenne (Le Monde du 6 août 2012). Paradoxalement, le Nord-Est, a, lui, souffert d'inondations qui ont chassées de chez elles des milliers de personnes.
Les faibles précipitations ont eu des conséquences que l'on peut qualifier de catastrophiques : baisse de la production agricole pour des denrées de base comme les céréales ou la canne à sucre ; flambée des prix des mêmes denrées durant le mois d'août.
On a craint un temps que, du fait d'un recours indien massif aux importations, la crise alimentaire se propage à l'échelle mondiale, comme en 2009 : l'Inde est en effet le deuxième producteur mondial de riz et de sucre (Le Monde du 06 août 2012). De fait, ces craintes ont provoqué une flambée des cours mondiaux de ces denrées durant l'été. Cependant, cette crise a été évitée, selon la FAO par l'augmentation de la production d'autres Etats et l'amélioration de la coordination mondiale.

Siruggupa : une région habituellement aride
A Siruguppa cependant, la sécheresse s'est fait durement sentir. Le village est situé dans une région aride, qui reçoit peu d'eau même en période de mousson : la moyenne des précipitations est de 639 mm d'eau par an. Sur ces 639 mm, 400 à 800 mm sont recueillis en moyenne pendant la mousson.
A titre de comparaison, en France, la moyenne des précipitations est de 867 mm d'eau par an (moins de 600 mm dans le delta du Rhône !). Mais l'évaporation à Siruguppa, due aux températures élevées, est bien plus importante, et les réserves d'eau de surface et souterraines sont beaucoup plus faibles : le sous-sol cristallin ne permet pas la présence d'importantes nappes phréatiques.
De plus, les montagnes à l'Ouest, les Ghâts occidentaux, arrêtent les nuages chargés de pluie avant qu'ils n'arrivent dans la région de Siruguppa, ce qui explique que dans le même Etat du Karnataka, la région côtière reçoive plus de 3 630 mm d'eau par an, et le Sud 1064 mm.

 La sécheresse de cet été à Siruguppa
C'est pourquoi l'insuffisance de la mousson 2012 a été à Siruguppa plus forte qu'ailleurs : de juin à août 2012, les moyennes des précipitations ont été inférieures de 47 % à la moyenne des années précédentes. A la mi-année, en août, il avait plu depuis le mois de janvier 260 mm, contre 520 mm d'habitude.  (http://www.uasraichur.edu.in).
Les semailles du mois de juin, ont donc dû être retardées et les surfaces ensemencées réduites, en particulier celles qui devaient être irriguées. (The Hindu, édition du Karnataka, Bellary, 28 Juin 2012). Les récoltes d'octobre-novembre ont donc été moins importantes, et  synonyme de difficultés financières pour beaucoup, dans une région où 75 % de la population vit encore de l'agriculture.
Au mois de juillet, Prema nous écrivait qu'il ne pleuvait pas et que les rivières étaient à sec ; l'eau courante n'arrivait plus partout et certains ont été contraint de boire une eau plus tout à fait potable, pouvant générer des maladies.

 Les conséquences pour l'orphelinat          
A l'orphelinat, pour faire boire tout le monde, le staff a été obligé d'acheter des bidons d'eau minérale. L'eau courante qui n'arrivait plus qu'épisodiquement (un jour sur cinq) n'était pas suffisante pour faire la cuisine, se laver et boire. L'école, par obligation légale, a dû faire la même chose, augmentant quelque peu les coûts de scolarité, mais permettant aux fillettes de boire à l'école sans avoir à emporter de bouteilles d'eau (ce qu'elles faisaient autrement, pour éviter l'eau « potable » du robinet de l'école), et permettant d'économiser autant d'eau pour se laver, cuisiner et boire à l'orphelinat.
Les prix des céréales ayant fortement augmenté, et ce jusqu'à l'automne, Prema, la directrice de l'orphelinat, n'avait plus assez d'argent pour acheter à côté des œufs ou des fruits, dont les fillettes ont donc été privées un moment. Les prix des œufs ont tellement augmenté également que la personne qui vendait des œufs à l'orphelinat à prix coûtant, sans faire de bénéfices, a dû fermer son commerce :  plus personne n'avait encore les moyens de lui acheter des œufs à ces prix.

 La mousson : une fatalité ?
Les difficultés que provoquent les irrégularités de la mousson sont récurrentes en Inde, mais ne sont pas une fatalité : il reste encore beaucoup à faire pour améliorer les mesures préventives ou pour adapter les aménagements,  mais aussi pour tirer les conséquences d'une irrigation excessive, qui assèche les nappes phréatiques et les réserves de surface, ou du choix de cultures gourmandes en eau (comme le riz). Cependant, à l'échelle de l'orphelinat, consommateur et non acteur de cette production hydraulique et agricole, la situation ne peut qu'être subie et occasionne donc des frais très inhabituels.